Pour cette exposition présentée dans le cadre de l’édition 2018 du Mois Multi, Graeme Patterson adapte une installation initialement conçue pour le BMO Project Room, un petit bureau du siège social de la Banque de Montréal à Toronto, accueillant chaque année un projet d’artiste que l’on peut visiter sur rendez-vous.
À la Galerie des arts visuels, Patterson construit une structure autonome à l’intérieur de laquelle il reproduit la pièce ayant initialement servi de lieu de diffusion. L’espace ainsi délimité se présente de l’extérieur comme un élément sculptural évoquant vaguement la sculpture formelle minimaliste. Très circonscrite, la construction n’occupe qu’une partie de la galerie. Le rythme de sa structure apparente et ses proportions lui confèrent l’allure d’un conteneur. Cette référence au transport de marchandises rappelle le déplacement du projet. Elle souligne aussi indirectement le statut de station modale de la voie maritime commun aux deux villes concernées : Québec étant le dernier port en eaux profondes sur le Saint-Laurent, et Toronto, le plus grand port intérieur du Canada.
Au fond de l’espace ainsi circonscrit, derrière une paroi vitrée servant d’écran de rétroprojection, une animation image par image fait évoluer un raton laveur dans un bureau au décor suranné. Cet animal apparemment conscient de notre présence réagit de manière imprévisible à nos mouvements, en se retournant vers nous en grognant et en tapant sur la vitre comme pour nous implorer de le libérer, puis nous ignore et vaque à ses activités de manière autonome, confiné à un milieu étranger à sa nature sauvage. Parfois visiblement irrité de sa situation, il renverse la poubelle, en répand les détritus accumulés, déchire le papier peint ou la moquette, pousse des cris agressifs, alors qu’à d’autres moments, il ouvre le tiroir pour se nourrir d’une tablette de chocolat, éteint la lumière du bureau, ou encore s’arrête, nous toise ou cherche à entrer en communication avec nous.
Dans la salle d’attente où nous sommes confinés, deux fauteuils sont disposés de part et d’autre d’une vitrine montrant un raton laveur figé dans une position évoquant son comportement naturel. Face aux fauteuils se déploie le même papier peint que l’on trouve dans le bureau, reproduisant une photographie de forêt boréale, la plus vaste zone de végétation au Canada, milieu de vie privilégié par le raton laveur et territoire que fréquente au quotidien Graeme Patterson, à Sackville où il a choisi de s’installer. Cet élément naturaliste rappelle les murales jadis utilisées en décoration intérieure. Les accessoires, le mobilier vieillot et le décor se présentent sans rupture et lient de manière uniforme les deux espaces. La figurine animale installée dans la vitrine est la marionnette utilisée pour réaliser l’animation. L’installation intègre aussi, par une opération de mixage prévue à la programmation, une capture vidéo en temps réel de l’activité se déroulant sur la rue devant la Galerie des arts visuels, le point de vue sur l’extérieur figurant ainsi techniquement dans l’installation.
Pour poursuivre la lecture de cet essai, consulter en ligne le https://issuu.com/faaav/docs/cahiergalerie-10_pages_simples, p. 26 – 31.