Daniel Corbeil : La fin des icebergs

Daniel Corbeil, Écologie, Utopie, Tecnologie, Récupération, Recyclage
Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (vue partielle de l’installation Maison de la culture Janine-Sutto). Photo : Guy L’Heureux

Un récit de science-fiction s’inspirant des romans photo et de la bande dessinée portant sur dernier iceberg connu de la planète.

Dans le cadre de son installation photographique La fin des iceberg, Daniel Corbeil met en scène les actions de deux groupes d’intérêts contraires qui s’affrontent autour d’un des derniers icebergs connus de la planète.

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Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (détail de l’installation Maison de la culture Janine-Sutto). Photo : Guy L’Heureux

Ces positions se situent aux extrémités du spectre des réactions face aux changements climatiques et à leurs conséquences catastrophiques. Sans nécessairement la nommer, elles attestent d’une frénésie que provoque le constat de la possible fin d’un monde et de la civilisation telle qu’on la connaît, au moment même où de plus en plus d’individus en subissent les conséquences.

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Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (détail de l’installation Maison de la culture Janine-Sutto). Photo : Guy L’Heureux

L’opposition entre ces actions concertées nous invite à réexaminer les discours et l’imaginaire que suscitent la situation actuelle et les défis qu’elle présente, largement marqués par un catastrophisme ambiant et démobilisant. À ce titre, Daniel Corbeil nous invite à reconsidérer nos a priori, à dépasser les discours d’effondrement du monde ou l’apologie de notre salut grâce à la technique. Dans un futur difficile à estimer, s’il reste des humains sur terre, leurs valeurs et leurs points de vue différeront beaucoup de ceux qui nous animent et nous mobilisent actuellement. Tenter de les anticiper afin d’en favoriser l’émergence constitue donc aussi un sous-texte du récit de science-fiction imaginé par Daniel Corbeil.

Devant la situation actuelle, est-il toujours possible de croire au développement durable, à la transition énergétique et à la responsabilité sociale des entreprises, ou encore à la portée cumulée de nos petits gestes individuels ? Force est de constater que le pragmatisme et la récurrence d’événements exceptionnels mettent à dure épreuve ces avenues à première vue salvatrices.

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Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (détail de l’installation Maison de la culture Janine-Sutto). Photo : Guy L’Heureux

Comme le souligne Nicolas Langelier dans son introduction au numéro « La fin d’un monde » de Nouveau projet résumée ici, nous devrons nous adapter de manière radicale à ce qui s’en vient, reconnaître la fin de notre monde et prendre les mesures pour transformer nos actions en conséquence, en dehors d’un déni de la situation ou d’un repli hédoniste encouragé par la consommation. Dans ces circonstances, en dépit des divisions que celles-ci génèrent, le courage consiste à susciter et à nourrir le dialogue et la collaboration, à chercher à développer une conscience collective autour de ces enjeux et à mobiliser une communauté afin de repenser notre rapport au monde. Seule l’expression de voix citoyennes qui vont en ce sens permet à leurs perspectives d’être prises en compte et assure un réel contrepouvoir face aux forces politiques et économiques, souvent complices dans la crise climatique et écologique actuelle. La persistance de Daniel Corbeil à exprimer d’œuvre en œuvre ses préoccupations devant cette crise climatique correspond à un geste artistique en ce sens, à petite échelle.

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Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (vue partielle de l’installation Maison de la culture Janine-Sutto). Photo : Guy L’Heureux

Pour ce faire, il adopte un processus créatif engageant une consommation pondérée de matériaux. En effet, l’ensemble des éléments utilisés s’avèrent en fait réutilisés. Sa pratique du recyclage de résidus se présente comme un antidote au consumérisme effréné, interprété comme contribuant aux pressions exercées sur l’environnement. Des matériaux divers, pellicules ou filets de plastiques, papiers et cartons, reprennent ainsi du service, de même que des composantes d’électroménagers, des formes servant à sécuriser les objets dans leur emballage, des contenants vides de produits de toutes sortes. L’artiste pose ainsi la question de sa responsabilité individuelle face aux enjeux actuels et explore des modalités de production s’offrant à lui comme alternative. Par ailleurs, la minutie consacrée à la réalisation des assemblages qui se retrouvent dans ses photographies illustre une certaine éthique de l’attention et du soin accordés aux choses et l’investissement que nécessite le fait de les revaloriser s’avère une autre manière de produire et de consommer.

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Daniel Corbeil, La fin des icebergs, 2023 (Présentation d’accessoires et de photos en coulisse). Photo : Guy L’Heureux

À ces questions explorées par Daniel Corbeil s’ajoutent les différentes temporalités mises en scène dans son récit, notamment le temps de la science-fiction, mais aussi le moment où celle-ci s’écrit. En effet, se chevauchent dans sa pratique le temps géologique de l’Anthropocène et de l’histoire humaine, celui de la fiction narrative, celui de la production artistique, confrontés à la fugacité du déclic photographique et à l’impulsion consumériste, autant de rythmes reliés aux enjeux décrits plus haut qui s’interpénètrent, alors que l’on fait l’expérience de l’œuvre.

  1. Nicolas Langelier, « Les vulnérabilités sans fin », Nouveau projet, n°18, La fin d’un monde, p. 18-23.
  2. En 2023, l’exposition «Daniel Corbeil. La fin des icebergs» a fait l’objet de présentations à la Maison de la culture Janine-Sutto, du 26 janvier au 3 mars, Maison de la culture Mercier, du 18 mars au 16 avril, Salle de diffusion de parc-Extension, du 21 juin au 20 aout, et à la Maison de la culture Marie-Uguay, du 5 septembre au 15 octobre.