Mobilités

En 2016, la 34e édition du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul explorerait les phénomènes liés aux mobilités et aux imaginaires qui l’animent.

Le Symposium en deux mots

Le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul est un événement unique au Québec. Chaque année, pendant un mois, douze artistes issus de différentes générations et de disciplines variées sont invités à créer une œuvre à la vue du public autour d’un thème. Au programme viennent s’ajouter des conférences, des présentations d’artiste, des kiosques ludiques et des projections en lien avec ce thème.

Le Symposium, plus de 30 ans

Au cours des 30 dernières années, le Symposium a accueilli au-delà de 400 artistes provenant de 28 pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Afrique. L’évènement a accueilli des artistes de renom et servi de tremplin à plusieurs artistes de la relève, notamment Christopher Boyne, Mathieu Cardin, Annie Descôteaux, Anna Hawkins et David Martineau Lachance, lors de l’édition 2015 et dont le travail a été montré à plus d’une reprise depuis.

Mobilités

Abordant les mobilités actuelles, cette édition du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul s’inscrit dans une série traitant des changements liés au développement des technologies et amorcée en 2015 avec le thème Murmures du quotidien.

Tout au long du XXe siècle, nos sociétés ont été marquées par l’évolution des moyens de transport et des communications, ainsi que par le développement des infrastructures et des réseaux ayant rendu ces changements possibles. Aujourd’hui, l’utilisation répandue de technologies et les connexions en réseau contribuent à un sentiment de circularité généralisé. Que l’on bouge soi-même ou non, la mobilité occupe une place importante dans nos vies.

À l’aube de la modernité, les artistes, dont les futuristes italiens, étaient fascinés par la vitesse et le mouvement. Alors que s’amorce aujourd’hui une troisième révolution industrielle ancrée dans la fluidité, quel regard les artistes posent-ils sur ce phénomène, ses motivations et ses conséquences ?

Les douze artistes retenus pour la 34e édition du Symposium explorent l’imaginaire du voyage et les phénomènes de migration, les mouvements d’objets et de marchandises, les moyens et les réseaux de transport, ainsi que les communautés nomades fondées sur une expérience partagée de déplacement ou d’errance.

Nicole Bauberger, Route transcanadienne, Réseau routier
Nicole Bauberger, Get There From Here, 2016. Photo : René Bouchard

La peintre Nicole Bauberger travaille depuis plusieurs années à une série intitulée Get There From Here, constituée de tableaux réalisés au rythme d’un à chaque 50 km de la route Transcanadienne qu’elle a parcourue de la côte Pacifique à la côte Atlantique et depuis l’extrémité nord jusqu’au sud du Canada. De manière singulière, mais en toute légalité, elle examine ainsi les espaces publics qui se déploient autour de ce réseau routier, un vaste projet auquel nous contribuons en tant que Canadiens et dont plusieurs bénéficient comme utilisateurs. En parallèle, elle réalise aussi une série de tableaux à l’encaustique autour du motif de la robe qu’elle met en scène pour illustrer une expérience individuelle de déplacement, relevant d’une sensibilité personnelle individuelle.

Au Symposium, l’artiste a exposé 10 tableaux représentant chacun des 50 km à l’est du carrefour où l’on quitte la Transcanadienne pour se diriger vers Baie-Saint-Paul, 10 tableaux représentant la même distance à l’ouest du même endroit. Par ailleurs, à partir de photographies prises dans la région de Charlevoix, elle également réalisé sur place des tableaux du réseau routier desservant les environs, notamment les routes 138 et 362.

S’est ajoutée à cela la série 100 robes de Baie-Saint-Paul constituée d’autant de petits tableaux réalisés à l’encaustique et inspirés de détails de la vie locale témoignant de culture et du contexte charlevoisiens.

Nicole Bauberger vit et travaille à Whitehorse. Diplômée de l’Université Trent en mathématique et en études anglaises, elle poursuit ses études au Ontario College of Art et travaille ensuite comme apprentie dans l’atelier du peintre David Bierk. En 2016, elle a complété un projet de recherche sur le tissage traditionnel des Premières-Nations, en vue de l’obtention d’un diplôme en études nordiques du Yukon College de Whitehorse.

Sa participation au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul consistait en une première présentation de la série Get There From Here dans l’Est du Canada.

Patrick Beaulieu, Errance, Poésie
Patrick Beaulieu, El Perdido, 2016. Photo : René Bouchard

Patrick Beaulieu est un artiste multidisciplinaire qui s’exprime au moyen de parcours performatifs, de sculptures, de vidéos, de photographies et d’installations.

Son travail se développe autour d’expériences et de rencontres vécues lors de voyages poétiques à travers l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, notamment Méandre, L’échelle de Beaufort — La marche du vent, Transfriable, ainsi que Vegas, Ventury et Vecteur Monarque, qu’il réalise avec la collaboration d’écrivains, de philosophes, de designers graphiques et d’architectes paysagistes. Découlent de ces trajectoires des œuvres visuelles inspirées par des phénomènes naturels (vents, marées et cycles migratoires), le hasard, la chance ou la synchronicité de situations.

Dans le cadre du Symposium, Patrick Beaulieu a effectué une série de courtes excursions au cours desquelles il a tenté d’atteindre des destinations imaginaires en suivant les indications des gens qu’il a croisé par hasard en chemin. En s’appropriant de manière poétique des toponymes de la région, il a cherché à parvenir à ces lieux fictifs, liés à la géographie et l’histoire locales. Ses excursions lui ont permis de colliger ou de produire des traces et des documents sous forme de courtes vidéos, de photographies, de cartes géopoétiques et de collections d’objets.

Patrick Beaulieu vit et travaille à Orford dans les Cantons-de-l’Est. Il détient un baccalauréat en arts visuels de l’Université du Québec à Montréal. Il expose régulièrement tant au Canada et au Québec, qu’à l’étranger, notamment en Belgique, en France, à Singapour et au Mexique, pays où il a aussi participé à plusieurs résidences d’artiste. Il a également réalisé de nombreuses œuvres d’art public dans des écoles, des bibliothèques, des établissements de santé et des parcs de plusieurs régions du Québec. Il est représenté par la galerie Art Mûr de Montréal.

Camille Bernard-Gravel, Illusion, Technologie
Camille Bernard-Gravel, 2016 (détail). Photo : René Bouchard

Camille Bernard-Gravel s’inspire de phénomènes naturels simples, facilement observables au quotidien ou dans notre environnement immédiat. Ses recherches plastiques se nourrissent d’une attention portée notamment aux interactions entre l’eau, l’air et la lumière, ainsi qu’aux mouvements et aux sons produits par ces éléments.

Elle utilise des matériaux industriels ou appartenant à l’environnement urbain, pour réinterpréter des phénomènes naturels comme la pluie, le vent et la réverbération de la lumière, et en reproduire les qualités sonores. Au moyen de vidéos, d’installations, de sculptures cinétiques et d’œuvres audio-visuelles, elle évoque le caractère immatériel de ces épiphénomènes.

Son travail fait appel à des notions de mécanique et lie dans une sorte de performance les éléments dans un système fluide, nous sensibilisant à la poésie de la nature qu’elle perçoit comme un réseau d’interrelations dynamiques et mobiles. Au Symposium, elle a réalisé des éléments cinétiques inspirées du développement des végétaux et sensibles à la présence des visiteurs, eux-mêmes des éléments perturbateurs, au sein d’un écosystème bio-mécanique artificiellement créé.

Camille Bernard-Gravel, Illusion, Technologie
Camille Bernard-Gravel, détail d’atelier, 2016. Photo : Laurence Garneau

Native de Québec, Camille Bernard-Gravel détient un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université Laval. Son travail a fait l’objet d’expositions individuelles au Québec et à l’étranger. Ses œuvres ont également été montrées lors de résidences d’artiste en France, en Thaïlande, et au Mexique.

Eveline Boulva, Réseau Routier, Paysage, Écologie
Eveline Boulva, vue d’atelier, 2016. Photo : René Bouchard

Les thèmes du territoire et du paysage sont au cœur de la pratique d’Eveline Boulva. Le territoire s’y définit comme un espace géo-social indissociable des identités et des imaginaires collectifs. Il constitue la matière première du paysage, qui lui relève d’une perception subjective d’espaces naturels ou humanisés.

Les déplacements et les voyages s’inscrivent dans sa démarche comme des moments préalables essentiels. Il s’agit alors pour elle d’observer le territoire, d’en faire l’expérience, pour ensuite Lanalyser et en comprendre le caractère spécifique. Elle souhaite par la suite traduire et exprimer, sous forme de tableaux et de dessins, l’hétérogénéité intrinsèque et les spécificités des espaces parcourus, vecteurs d’appartenance de l’humain à son milieu.

Lors du Symposium, l’artiste a travaillé à partir de photographies aérienne des berges du fleuve Saint-Laurent, qu’elle a réinterprétées par une superposition de multiples couches minutieusement appliquées de glacis d’acrylique, allant de gris légèrement colorés teintés à des glacis colorés. Des matrices numériques isolant chacune de ces nuances seront découpées dans une pellicule de vinyle, servant de pochoir lors de l’application des couches successives de la matière picturale.

Dans la production même de ses tableaux, la représentation revêt un caractère topographique où, sur les tons les plus foncés appliqués en premier, se superposent ensuite les tons les plus clairs et jusqu’au blanc, en construisant peu à peu des reliefs.

Née à Québec, où elle vit et travaille, EvelineBoulva est titulaire d’un doctorat de l’Université Laval alliant les arts visuels et la géographie. Elle a présenté son travail dans le cadre de plusieurs expositions et a également participé à des résidences de création au Québec, au Canada et à l’étranger. Elle a réalisé plusieurs œuvres d’art public et ses œuvres font partie de collections particulières ou institutionelles. Elle est représentée par la Galerie Lacerte.

Samuel Breton, Inuit, Stéréotypes, Décolonial
Samuel Breton, «Eskimo» de Sorel, 2016. Installation, détail. Photo : René Bouchard

La démarche de Samuel Breton s’incarne dans des animations et des collages multidisciplinaires, où la poésie agit comme une force d’évocation nous permettant d’explorer la réalité. Il juxtapose et superpose des références à des objets courants et leur conférer à dessein un sens poétique énigmatique. Pour ce faire, il use librement de médiums traditionnels, tels le dessin et l’écriture, qu’il allie à la vidéo d’animation. Il explore ainsi par l’image et le langage, la photographie et le cinéma, tant la culture actuelle que celle héritée du passé.

Dans le texte qui suit l’emploi de termes passéistes peut être choquant pour certaines personnes.

Au Symposium, il a développé une installation vidéo performative s’inspirant d’une icône vestimentaire nordique, soit la traditionnelle botte Sorel, évocatrice des déplacements à pied l’hiver. Autour du modèle désigné « Eskimo » datant des années 60, il a questionné cette appellation péjorative pour les Inuit, en même temps que notre perception stéréotypée de leur culture. Cette chaussure hivernale devient alors pour lui un véritable marqueur temporel du passé. Elle lui permet d’aborder le thème de mobilité à son premier niveau, celui de l’objet vestimentaire industriel associé à la marche humaine, en même temps qu’elle relate poétiquement les conséquences néfastes de la mobilité exploratrice des Européens en Amérique. La botte Sorel sert de décor, tour à tour banquise, habitation et bord de mer, où l’artiste jonglera avec le stéréotype de l’Eskimo, à la manière d’une figurine intégrée à une mise-en-scène presque burlesque.

Samuel Breton détient un baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia (2010) et une maîtrise en arts visuels de l’Université Laval (2012). Ses installations combinent le dessin, le cinéma d’animation et la vidéo. Son travail a été présenté au Québec et au Canada. peu avant le Symposium, il avait obtenu une bourse Première Ovation en arts visuels pour la production des projets Hibou et Ouchanka.

Geneviève Chevalier, Oiseaux, Migration, Changements climatiques
Geneviève Chevalier, Oiseaux Avant-garde, 2016. Installation. Photo : Laurence Garneau

À la fois artiste, commissaire et chercheuse universitaire, Geneviève Chevalier aborde la pratique artistique de manière conceptuelle et contextuelle. Son approche se développe tant dans I’espace d’exposition que par le biais de recherches académiques ou de l’écriture critique. Elle s’intéresse aux enjeux écologiques actuels autour de sites naturels et géographiques et à leur traitement institutionnels ou discursifs.

Faisant de la galerie un lieu d’expérience sensible et de recherches, elle utilise les objets, les images et le texte pour explorer les possibilités expressives ou discursives qu’offre leur présentation organisée sous forme d’expositions, inspirées notamment du musée d’histoire naturelle. Elle souhaite d’ailleurs repousser les limites de cette mise en scène, à partir de la présentation d’objets et de données qu’elle récolte sur les sites qu’elle explore ou qu’elle étudie.

À Baie-Saint-Paul, elle a réalisé des recherches autour de la question de la migration saisonnière des oiseaux, un phénomène appelé à changer dans un futur proche. À partir d’observations effectuées en parcourant le Sentier des caps de Charlevoix, elle a dressé un inventaire des espèces d’oiseaux présentes durant l’été et a étudié le tracé de leurs migrations, en se penchant sur les modifications de celui-ci en raison des transformations climatiques.

Son œuvre finale regroupait le matériel lié à ses observations (photographies, croquis et enregistrements audio) et à ses recherches (ouvrages divers, instruments et documents remis par les participants). Des cartels proposaient des réflexions scientifiques, poétiques et conceptuelles autour des éléments présentés. La démarche favorisait aussi une participation du public invité à contribuer au projet par des observations personnelles, notamment lors de sorties d’ornithologues amateurs. Au cours de l’année qui a suivi le Symposium, elle publiait l’ouvrage Bord d’attaque. Bord de fuite, résultat d’une résidence en Écosse où elle a développé les questions abordées au Symposium.

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Geneviève Chevalier, 2016. Photo : René Bouchard

Elle a été une artiste en résidence à Sporobole, centre en art contemporain en 2018, au Centre for Contemporary Arts de Glasgow en 2017, au Banff Centre et au Vermont Studio Centre. Son travail a été présenté à Optica centre d’art contemporain et au Musée régional de Rimouski en 2018, au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul en 2016, au Musée de Lachine en 2015, à La Chambre blanche dans le cadre de la Manif d’art 7 à Québec et à la Thames Art Gallery en Ontario en 2014.

Elle a réalisé à titre de commissaire invitée l’exposition L’idée du territoire : une exploration des collections, au Centre d’exposition de l’Université de Montréal en 2018, Sur le terrain à Oslo8 contemporary photography, à Bâle, Suisse, en 2015 ainsi que l’exposition in situ Projet Stanstead ou comment traverser la frontière à la Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s à Sherbrooke entre 2011 et 2012.

Frédéric Cordier, Conteneur, Fret, Transport, Linogravure
Frédéric Cordier, Container, 2016. Photo : René Bouchard

Frédéric Cordier s’inspire de photographies et d’observations effectuées à proximité de sites industriels, qu’il visite afin de s’imprégner de l’atmosphère qui en émane. Il en recomposer un paysage à partir de formes graphiques simplifiées évoquant une certaine abstraction, la reproduction de matériaux manufacturés et la planche d’encyclopédie.

Les juxtapositions de motifs et de formes de ses composition créent une ambiance irréelle où l’industrie lourde est associée à des phénomènes de visibilité plus évanescents, se traduisant en motifs psychédéliques et en compositions relevant de l’art optique et du pointillisme.

Frédéric Cordier, Conteneur, Transport de marchandises, Linogravure
Frédéric Cordier, Container, 2016. Photo : Laurence Garneau

Pendant toute la durée du Symposium, il s’est consacré à la réalisation d’une linogravure de grand format d’une vue portuaire intégrant des grues, bateaux et autres machineries autour du thème du conteneur, une icône de la mobilité des marchandises servant de prétexte à créer de nouveaux motifs et une variété de textures.

Par opposition à l’infrastructure figée et immobile que représente l’usine, le conteneur incarne l’unité modale mobile de l’économie moderne. Conçu en fonction d’un transit facile, il incarne le flux constant de marchandises créé par les échanges commerciaux internationaux. Cette même adaptabilité lui permet également d’être transformé en habitation lors de situations d’urgence ou assemblé sous forme de maisons d’architectes, autant de manifestations liées aux conditions de mobilités contemporaines.

Né au Canada mais formé en Suisse, Frédéric Cordier vit et travaille aujourd’hui entre Montréal et Lausanne. Il détient un baccalauréat en arts visuels de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL), une haute école de renommée internationale. Il réalise des installations de papier peint, notamment dans la chapelle de Tell de Montbenon à Lausanne et dans des usines désaffectées à Tbilissi, en Géorgie, et à Paris. En 2011, il bénéficie d’une résidence de six mois à l’atelier du Canton de Vaud, et à la Cité internationale des arts de Paris, où il travaille sur de grandes linogravures. Il a présenté plusieurs expositions individuelles au Québec et en Europe notamment à l’URDLA Centre international estampe et livre à Villeurbanne en 2013 et 2014. Il est représenté par la Galerie Laroche/Joncas de Montréal.

Thibault Laget-Ro, Crise migratoire, Migrant, Conditions de vie
Thibault Laget-Ro, L’immersion, 2016. (en production) Collection du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Don de David Mancini. Photo : René Bouchard

Thibault Laget-ro s’intéresse depuis plusieurs années au concept de liberté et à son expérience relative d’un individu à l’autre et en fonction de conditions sociales variées. Ses recherches plastiques opposent ceux qui vivent des événements portant atteinte à leur liberté et leur violence corolaire, à ceux qui assistent à ces tensions, en différé ou à distance, dans un grand confort.

Pour ce faire, il travaille en collaboration avec des reporters de guerre. Il s’est ainsi penché sur le conflit israélo-palestinien, le Printemps arabe et, plus récemment, sur la guerre en Syrie.Au cours des dernières années, l’exode et l’exil, ces fuites ultimes pour échapper à la mort, se sont imposées comme préoccupations principales. Depuis, il tente de retracer les e périples de migrants autour de la traversée de la Méditerranée, l’une mer périlleuse et redoutée.

Thibault Laget-Ro, Crise migratoire, Migrant, Conditions de vie
Thibault Laget-Ro, L’illusion de son destin, 2016. Photo : Louis Laliberté

Dans le cadre du Symposium, l’artiste a exploré dans un tableau de grande dimension la notion de pied-à-terre dans un style pictural très graphique. S’inspirant des rues, des plages, des quais, des bateaux transitant au large de Baie de Saint Paul, il imaginera ces mêmes endroits accueillant en grand nombre des familles de migrants. Des lieux communs et connus, éléments du quotidien somme toute banals pour certains, seront alors montrés comme la promesse d’une vie meilleure pour d’autres.

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Thibault Laget-Ro, 2016. Photo : René Bouchard

En parallèle à cette fresque pictural et autour d’une démarche plus conceptuelle, il produit et édité une série de passeports, remis aux visiteurs et attestant de leur identité, de leur appartenance et de leur jouissance d’une certaine liberté. Au fil de l’événement, ces sésames leur donnaient la chance de prendre conscience de leur position privilégiée. Avec le temps, ces documents s’abîmeront, ou seront volés ou perdus, soulignant en cela que la liberté est aussi précieuse qu’éphémère.

Né à Tokyo, Thibault Laget-ro est un peintre figuratif. Diplômé en économie de l’université Sorbonne I, il assiste aux ateliers d’Hubert de Chalvron et de Jean-Marc Thommen à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Il travaille ensuite avec le sculpteur Arnaud Kasper et poursuit son apprentissage dans le cadre d’une résidence à Santa Fe aux États-Unis. Parallèlement à son activité de peintre, il a publié un recueil de nouvelles aux éditions Kalara en 2012. La même année, il a obtenu le troisième prix Daniel Walter de la nouvelle lors du festival Summerlied pour un autre ouvrage.

Michele Mackasey, Itinérance, Sans-abri, Crise du logement
Michele Mackasey, Wish-Home Neighbourhood, 2016. En collaboration avec le refuge Lauberivière. Photo : Réné Bouchard

En tant qu’artiste, Michèle Mackasey se sent investie d’une certaine responsabilité sociale et développe ses œuvres comme autant d’occasions de collaborations inclusives.

À une époque où l’attention des médias et du public se tourne vers les réfugiés de partout dans le monde, des migrants à l’échelle globale, elle se penche sur l’itinérance qui sévit au Canada et dans nos villes, afin de remédier à la négligence et à l’oubli dont sont victimes les sans-abri que nous côtoyons quotidiennement. Grâce à une collaboration avec l’organisme Lauberivière, un refuge pour personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être et un centre multiservices d’accompagnement, elle a ajouté, à l,occasion du Symposium, une nouvelle itération à son vaste projet Quartier Souhaits-chez-toits (Wish-Home Neighbourhood).

Dans un élan d’empathie, les visiteurs ont été invités à dessiner un logement pour une famille ou une personne seule, à partir du récit de leur situation personnelle. Fixées à une grille suspendue au plafond, les maisons servant d’écrins aux dessins se déployaient de manière à reconstituer un ensemble d’habitations, un quartier de maisons-souhait, un rêve en voie de devenir une réalité. L’artiste oppose ainsi une certaine mobilité liée au luxe et aux privilèges de certains, à l’itinérance causant un stress quotidien énorme pour les individus et les familles qui ne bénéficient pas d’un logis.

Michele Mackasey, SIACBSP 2016, Itinérance, Histoires de vie, Quotidien
Michele Mackasey, 2016. Photo : René Bouchard

Née à Chibougamau au Québec, Michèle Mackasey vit et travaille maintenant à Saskatoon. Elle détient un diplôme en beaux-arts, dessin et peinture, du Ontario College of Art and Design. Son travail a été présenté lors d’expositions individuelles à la Mendel Art Gallery de Saskatoon, à la Godfrey Den Art Gallery de Yorkton et la Grace Campbell Gallery de PrinceAlbert, et en duo avec Joe Fafard dans L’art fransaskois au Musée de la civilisation à Québec. De 2012 à 2014, elle participait à une résidence d’artiste dans la communauté du YWCA de Saskatoon. Elle a aussi travaillé avec le conseil de bande et les membres de la English River Dene Nation.

Guillaume Adjutor Provost, Camionneurs, Communication, Réinterprétation
Guillaume Adjutor Provost, 2016. Photo : René Bouchard

À travers des formes indéterminées inspirées de documents divers, Guillaume Adjutor Provost sonde l’inconscient, la notion d’usage et la construction d’idéaux. Sa pratique artistique tient lieu d’espace de recherche, interrogeant notre relation à la contemporanéité : naviguant au milieu de nos ambiguïtés, nos déceptions et nos aspirations. Il aborde ainsi des questions liées aux phénomènes tangentiels et aux contre-pouvoirs de ce qui fait «histoire» : par exemple, la contreculture, les archives personnelles, les théories queer, le psychédélisme et la science-fiction.

Au Symposium, il a réalisé une série de dessins psychédéliques et produit une performance de Sarah Chouinard-Poirier s’inspirant d’une collection de cartes QSL, échangées entre camionneurs durant les années 1970-80 et liées à leurs communications radio à ondes courtes. Ce système de communication témoignant d’une culture idiosyncrasique propre à cette communauté de nomades.

Au début de la radiodiffusion, la capacité d’un poste de radio à émettre et à capter des signaux éloignés était une source de fierté pour de nombreux utilisateurs passionnés. Similaires aux cartes postales, les cartes QSL constituaient alors une confirmation écrite de transmission entre deux opérateurs de radio amateur. On retrouvait sur celles-ci les coordonnées de la fréquence d’émission, ainsi qu’une illustration accompagnée du nom ou du pseudonyme de l’opérateur ayant capté la transmission.

Guillaume Adjutor Provost termine actuellement un doctorat en étude et pratique des arts à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches, tant plastiques et qu’académiques, portent sur la notion d’art «commissarial», ancré dans la mise en exposition comme mode de création, en vertu d’approches interdisciplinaires.

Son travail a été diffusé lors d’expositions individuelles et collectives au Canada, au Couvent des Récollets en France et à la Fondation Christoph Merian en Suisse. Il a également participé à plusieurs résidences d’artiste au Canada et à l’étranger. L’année précédente, lors de l’édition 2015 du Symposium, il s’était vu remettre la bourse Jean-Claude Rochefort, soulignant sa contribution originale à l’étude des pratiques actuelles en art et en commissariat d’exposition.

Momar Seck s’intéresse aux objets laissés pour compte et perçus comme matériellement misérables, qu’il investit d’une charge symbolique nouvelle. Sous forme de métissages heureux, le mélange de matériaux, de couleurs, de poésie, d’effets pluriels rend possible une réelle porosité entre les cultures et les cosmogonies.

Il plonge ainsi le spectateur dans des réalités de la vie quotidienne dont les rebus et les débris évoquent les souvenirs et les traces d’origine, ainsi que les ruptures, les déplacements et es transformations qui suivirent. Au-delà des apparences, il développe ainsi une réflexion sur le réel, la singularité des objets, l’ingéniosité des artistes, de même que sur l’interdisciplinarité et la pluralité des cultures, où il se plaît à faire ressortir le caractère ludique de la création.

Au Symposium, il a invité les visiteurs, notamment les enfants, à réaliser avec lui de petites barques en bois et à partir de matériaux récupérés (vieilles cannettes de boissons gazeuses et divers contenant en aluminium et en métal léger). Ces barques seront ensuite peintes de couleurs variées et fixées à une structure de bois plus imposante elle aussi en forme de barque.

Son installation consistant en une présentation visuelle animée, s’érigeait en symbole du mouvement et des phénomènes de mobilités, liant la récupération d’objets, à leur commerce et au transport des marchandises par son matériau, ainsi que les phénomènes de migrations humaines par le motif reproduit grâce à un art de la récupération tout-à-fait africain, ici réinventé.

Né à Dakar au Sénégal, Momar Seck vit et travaille à Dakar et à Genève en Suisse. Il détient un diplôme de l’École normale supérieure d’éducation artistique de Dakar et de l’École supérieure des Beaux-Arts de Genève. Il a également complété un doctorat en arts plastiques de l’université de Strasbourg en France. Il a présenté son travail dans le cadre d’expositions individuelles et collectives en Suisse, en France et en Italie ainsi qu’au Sénégal, au Cameroun et au Mali. Sa participation au Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul une deuxième présentation de ses œuvres en Amérique, après sa participation à la 12e biennale de LaHavane à Cuba.

Anne-Sophie Turion, Cinéma, Participation citoyenne, Fiction
Anne-Sophie Turion, Rue Saint-Adolphe, 2016, Intervention in situ avec la participation des habitants de la rue Saint-Adolphe et la radio communautaire CIHO-FM. Photo : Anne Sophie Turion.

Anne-Sophie Turion privilégie des formes de narration éclatées se présentant comme autant de situations à l’essai et d’histoires potentielles. Elle procède par collage de matériaux narratifs issus de registres distincts et par l’emploi de techniques artistiques empruntées aussi bien au théâtre qu’au cinéma (accessoires, didascalies, bandes sonores, bruitages, ou voix off). Elle travaille avec ces codes, ces formules parlant avec évidence, qu’elle jumelle à des allusions révélant les creux, les manques et les failles par où s’infiltrent l’absurde et le burlesque. Par le biais de propositions plastiques ou d’actions performatives, elle cherche avant tout à mettre au jour la part active de nos récits intimes et collectifs. Ses propositions soulignent d’ailleurs les seuils où ceux-ci s’entremêlent.

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Anne Sophie Turion, 2016. Photo : René Bouchard

Au Symposium, elle a réalisé un ensemble de plaques commémoratives fictives, oblitérant une sélection de celles déjà en place dans divers sites dans la Ville de Baie-Saint-Paul. Avec la collaboration de citoyens, notamment de résidants de la rue Saint-Adolphe, une ancienne rue piétonne au cœur du noyau historique villageois, elle a créé pour une soirée une animation de rue, reproduisant des scènes de cinéma au son de musiques de films grand public diffusées simultanément à la radio communautaire.

Née à Paris, Anne-Sophie Turion détient un diplôme en scénographie de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Elle avait précédemment étudié la mise en scène à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et le design à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Aux frontières des disciplines artistiques, elle signe autant des scénographies et des dispositifs sonores, que des œuvres plastiques (photographies, performances et installations dans l’espace public). Elle a exposé en France, au Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson (Noisiel), au Centre d’art de la Villa Arson (Nice), aux Abattoirs (Toulouse) et à la Friche La Belle de Mai (Marseille), ainsi qu’en Italie à Centrale Fies. Elle a également exposé au VIVO Media Arts Center de Vancouver (Canada) et à Pékin en Chine. Elle a participé à de nombreuses résidences d’artiste en France et à l’étranger.

François Morelli
Président d’honneur du 34 e Symposium

Président d’honneur de la présente édition du Symposium intitulée Mobilités, François Morelli se démarque par son intérêt pour les notions de passage, de circulation et de transformation. Il est reconnu pour ses performances axées sur la marche réalisées en contexte urbain notamment à Montréal, à Vancouver et à Berlin, ou à la campagne dans les Hautes-Laurentides, au Pays de Galles et en Europe continentale.

Dans le cadre du Symposium, une petite exposition intitulée Passages d’électrons libres lui a été consacrée. Elle regroupait des dessins, des estampes et des sculptures représentastifs de ses déambulations.

L’inauguration de l’évènement a aussi accueilli, L’indéterminé et le possible dans l’œuvre de François Morelli — Conversation entre François Morelli et son fils Didier. François Morelli explore les rapports de l’artiste avec la société, les interactions entre individus et l’expérience de l’œuvre d’art. Dans un entretien informel avec son fils, ils ont dégagé ensemble les grandes lignes de leurs pratiques respectives. Par la suite, cette conférence-performance a été reprise à Artexte et Skol.

Artiste de renom né à Montréal, François Morelli obtient un baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia en 1975. De 1981 à 1991, il réside en banlieue de New York où il complète une maîtrise à la Rutgers University en 1983, avant d’y enseigner pendant quelques années. De retour à Montréal, il enseigne à l’Université du Québec à Trois-Rivières et ensuite à l’Université Concordia. Depuis 1976, son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives et a été présenté dans le cadre d’événements de performances.

Également artiste interdisciplinaire, Didier Morelli mène de front une pratique de la performance et poursuit des études doctorales sur la performance à la Nothwestern University aux États-Unis. Sa pratique se déploie dans des espaces publics extérieurs, en rupture avec le flux imprévisible, mais régulier de la vie courante. Il explore ainsi les normes physiques, sociales, politiques, linguistiques et spatiales, afin d’ouvrir une brèche permettant une critique de l’autorité.

Nicolas Dickner
Figure d’inspiration

Nicolas Dickner naît à Rivière-du-Loup, dans une famille de la classe moyenne. Il étudie les arts plastiques et la littérature, puis travaille dans les technologies de l’information. Au tournant du siècle, il conçoit des bases de données au Pérou, écrit de la fiction en Allemagne. En 2005, il publie son premier roman Nikolski qui lancera sa carrière d’auteur. En 2016, il avait signé trois romans et quatre recueils de textes brefs. Il vit actuellement à Montréal avec sa famille.

Son ouvrage Six degrés de liberté lui a valu le prix littéraire du Gouverneur général en 2015. Il y raconte l’amitié entre une jeune fille avide de repousser les limites de l’expérience humaine et un hacker cherchant à optimiser la circulation mondiale de marchandises. Dans le cadre du Symposium, il a prononcé une conférence où il a expliqué sa démarche de recherche autour de l’écriture de ce roman qui a été la source d’inspiration du thème Mobilité de la présente édition du Symposium.

Pierre Bourgault
Récit conté d’une pratique de navigation

Artiste de Saint-Jean-Port-Joli et issu d’une famille de sculpteurs sur bois, Pierre Bourgault s’inspire des grands espaces et de ses expériences personnelles de marin. Depuis plusieurs années, il se consacre à une série de grands dessins réalisés en bateau sur le fleuve Saint-Laurent ou la rivière Hudson.

Sa conférence a porté sur la finalité et les sources d’inspiration de ses œuvres, notamment la flèche sur la rivière du Gouffre, les grands dessins et les constructions de blocs de sel sur le fleuve Saint-Laurent et son estuaire, et la vidéo de navigations sur la rivière Hudson. Il interprète ces grandes réalisations comme un développement des théories des peintres automatistes.

Atelier SILEX de Trois-Rivières
Kiosques mobiles d’Isabelle Gauvin et Henri Morissette

Dans l’aire de stationnement de l’aréna accueillant le Symposium, l’Optométriste-factice Isabelle Gauvin procédait à des examens de la vue aux visiteurs consentants, à l’aide de barniques révélant une vision singulière du monde, alors que La Roulotte à Bobby d’Henri Morissette proposait des casse-croutes sculpturaux fabriqués d’objets et d’outils hétéroclites récupérés.

Marie-Christiane Mathieu
Musique de char / Toujours plus à l’ouest

Dans le cadre d’une conférence Marie-Christiane Mathieu a expliqué les concepts entourant sa pratique itinérante en prenant comme d’exemple, son projet Musique de char / Toujours plus à l’ouest. À cette occasion, elle a présenté quelques archives audio et vidéo du projet, recueillies sur les 10 000 kilomètres parcourus entre l’île Fogo à Terre-Neuve et l’île de Vancouver ainsi que les œuvres qui ont émergé au cours de ce trajet.

Artiste et professeure à l’École des arts visuels de l’Université Laval, Marie-Christiane Mathieu vit et travaille entre Montréal et Québec.